22 Juillet 2018
Depuis des siècles, il se raconte qu'à la tombée de la nuit, au pied des remparts de l'ancienne cité médiévale d'Aigues-Mortes, apparaît parfois le "Lou Drapé", une créature légendaire et maléfique qui enlève les enfants égarés ou abandonnés. Comme son nom ne l'indique pas, il s'agit d'un cheval blanc fantomatique qui est évoqué par les parents aigues-mortais pour faire peur aux petits, pour éviter qu'ils ne s'éloignent trop loin de chez eux...
Le Lou Drapé... (image internet)
Mais où emmène-t-il ces centaines d'enfants, ce cheval blême, image même de la Mort? Nul ne le sait, mais les chers petits ne reviennent jamais de leur voyage, une fois montés sur la croupe de l'étalon maudit...
Je vous rassure, chers lecteurs, Chéri et moi ne l'avons pas croisé lors de notre dernier séjour en Camargue, alors que nous nous sommes effectivement promenés au pied de ces mêmes remparts au crépuscule! Mais en même temps, nous ne sommes ni des enfants, ni égarés ou abandonnés! Néanmoins, nous sommes montés sur ces murs massifs pour les visiter, et croyez-moi, les huit euros d'entrée par personne valent largement le coup!
Les remparts d'Aigues-Mortes, vus du ciel. Evidemment, ce n'est pas moi qui ait pris la photo (je n'ai pas encore de drone, ha ha!), je l'ai chopée sur internet. Vous pouvez constater que les remparts forment une sorte de rectangle presque parfait et nous en avons fait le tour complet en cheminant dessus. Remarquez aussi les si célèbres salins (aux couleurs rosées) en arrière-plan et qui jouxtent quasiment les épaisses murailles de la cité médiévale...
Monter sur les remparts d'Aigues-Mortes, c'est plonger dans plus de 700 ans d'histoire. Mais le plus extraordinaire dans tout ça, c'est le formidable état de conservation de ces murs d'enceinte! L'usure du temps n'a vraiment pas eu de prise dessus au cours des siècles et j'avoue que j'en étais absolument béate pendant notre visite! J'avais presque l'impression qu'on aurait pu voir des hommes en armure patrouiller sur le chemin de ronde, ha ha! Bref, l'occasion pour moi de partager avec vous l'histoire de la construction de cette citadelle exceptionnelle! Mais je vous rassure, chers lecteurs, ce sera court! Car il ne faudrait pas que ça ressemble à un de ces rébarbatifs cours d'histoire-géo qu'on avait au collège ou au lycée, n'est-ce pas?!
Nous sommes en 1240. Le roi Louis IX (le très célèbre Saint-Louis dont on retrouve des représentations un peu partout dans la cité ancienne, voir l'un de mes précédents articles ici) s'apprête à quitter son royaume pour la septième croisade. En vue de son futur départ, il décide de fortifier le petit bourg pour s'assurer une base navale sûre pour son retour, ainsi qu'un port pour construire la flotte royale. Mais ce projet ne restera qu'à l'état de simple idée pendant des années et ce n'est que deux ans après sa mort (survenue en 1270, lors de la huitième croisade) que les travaux commencent enfin. C'est son fils Philippe, devenu le roi Philippe III (dit "Le Hardi"), qui commandite le chantier et les remparts ne seront finalement terminés qu'à la toute fin du 13ème siècle.
VOILA!!!
Evidemment, ces remparts, au cours des siècles, ont été les témoins d'épidémies terribles, mais surtout de la lutte entre catholiques et protestants... Ce serait bien trop long à expliquer en détails, alors je vous emmène maintenant à la découverte de ces murs impressionnants, let's go!
La visite des remparts commence en fait avec la visite de la fameuse Tour de Constance, classée aux Monuments Historiques depuis 1903. Elle a été construite entre 1242 et 1254 (pendant la vie de Saint-Louis, donc). Surnommée "La Grosse Tour", il s'agit d'un énorme volume cylindrique construit sur pilotis de 30 mètres de haut, surmonté d'une tourelle de 11 mètres, pour un diamètre de 22 mètres.
Cette tour était le symbole de la puissance du roi et de sa présence sur le rivage méditerranéen. A l'origine protégée par un fossé et une palissade en bois (remplacée plus tard par un mur de pierres), un corps de garde de 25 sergents en assurait la protection. Cette tour servait de "sas" à un palais aujourd'hui disparu. Donc, à la base, elle n'avait pas pour vocation à être habitée, mais elle servit néanmoins, pendant de nombreuses années, de prison à des femmes de foi protestante (n'oublions pas qu'Aigues-Mortes était un haut lieu de la foi catholique), dont la tristement célèbre Marie Durand. Mais elle servait également de phare et un feu y brûlait constamment à son sommet.
J'étais donc assez mitigée en me promenant dans cette tour, moi qui suis protestante. Car de savoir que plusieurs de mes coreligionnaires, mes sœurs dans la foi, avaient été emprisonnées là car leurs seuls torts étaient de ne pas reconnaître l'autorité du pape ou de lire la Bible (les prêtres catholiques, à l'époque, ne souhaitaient pas que les gens du peuple aient accès à la Bible car si cela arrivait, cela signifierait qu'ils perdraient toute autorité sur eux), cela m'attristait vraiment. Mais le plus étrange dans ma situation, c'est j'ai été élevée dans le catholicisme (j'ai d'ailleurs fait mes deux communions). Je suis donc sensible à ce courant chrétien, celui de ma jeunesse. Pour preuve, cela ne me dérange nullement d'assister à des messes catholiques et lors de celles-ci, je prends même l'hostie. Disons que je pratique comme une sorte d'œcuménisme chrétien, en gros.
Mais avec l'âge, je me suis davantage rapprochée du courant protestant (grâce à mon Daddy américain), plus proche de la pureté originelle des Saintes Ecritures, à mon avis.
Mais bon, cette tour est juste magnifique et son architecture intérieure est remarquable, il faut le dire! Je me suis même amusée à jouer à cache-cache dans ses couloirs avec Chéri (oui, oui, j'ai gardé une âme d'enfant, hum!), pendant qu'une pluie diluvienne s'abattait sur Aigues-Mortes. Et lorsque la pluie s'est arrêtée, nous sommes montés sur le toit de la tour, et là, les amis, une magnifique vue sur la cité camarguaise, mais aussi sur ses alentours, trop beau!
Au sommet de la Tour de Constance, magnifique vue sur la ville d'Aigues-Mortes, les salins ou encore le fameux Canal du Rhône à Sète...
Après avoir visité cette tour, nous avons donc commencé la visite des remparts en eux-mêmes: 1.6 kilomètres à cheminer sur ces murs épais et majestueux... Ceux-ci font 11 mètres de hauteur et ont une épaisseur de 3 mètres à leur base et 0.75 mètres à leur sommet.
Une chose que nous avons aimé faire en cheminant sur le chemin de ronde, c'était contempler les toits de l'ancienne cité d'Aigues-Mortes, protégée à l'intérieur de ces remparts. Et, vues de haut, on s'apercevait qu'il y avait parfois des jardins intérieurs entre les maisons! Ha ha, des petits cachotiers, ces aigues-mortais! Quand ils en ont marre des hordes de touristes qui envahissent régulièrement leur ville (comme je les comprends!), ils peuvent se réfugier derrière les façades épaisses de leurs habitations, dans ces petits havres de paix pour se détendre à l'abri des regards indiscrets! Il est souvent intéressant de découvrir un endroit depuis un point de vue différent, car cela permet de mieux appréhender comment la vie s'y organise.
Tout au long du parcours, il y avait des petites expositions dans les multiples tours le jalonnant, dont une sur l'histoire du protestantisme en France et dans le sud en particulier. J'étais d'ailleurs assez stupéfaite qu'il y ait autant de références au protestantisme dans ce haut-lieu catholique! Surtout si on pense au sort de beaucoup de protestants au cours des siècles passés en France (l'infâme Massacre de la Saint-Barthélemy, pour ne citer que lui).
Marie Durand, que j'ai cité plus haut, était une protestante qui a été emprisonnée dans la Tour de Constance de 1730 à 1768 par les autorités catholiques. Elle a été emprisonnée pendant 38 ans de sa vie! Elle est devenue captive à 19 ans, et n'est ressortie de sa prison qu'à l'âge de 57 ans, terrible! Elle était enfermée avec une vingtaine d'autres femmes de tous âges et de toutes conditions, dans la pauvreté, le froid et la faim. Mais pendant toutes ces années de captivité, elle a refusé d'abjurer sa foi et a même encouragé ses compagnes d'infortune. Cette femme est un exemple de courage et de résilience que j'admire beaucoup!
Pour plaisanter, pendant la visite, je disais à mon chéri (qui est catholique) que si j'avais vécu à cette époque, j'aurais sans doute été emprisonnée. Et lui de répondre qu'il serait venu me délivrer, c'est trop chou!!!
Pour terminer cette très chouette visite, nous sommes allés nous promener à l'extérieur des remparts car ils sont si beaux et si imposants vus de là! Puis, nous sommes rentrés au Grau-du-Roi, où nous passions quelques jours. Mais nous ne manquerons pas de retourner nous promener dans cette si jolie et ancienne cité médiévale car, comme je l'ai déjà expliqué dans un précédent article (que vous pouvez retrouver ici), Aigues-Mortes nous a littéralement envoûté, Chéri et moi!
En tout cas, si vous vous y rendez, chers lecteurs, ne manquez pas la visite des remparts, c'est un incontournable touristique qui vaut largement le détour!
A très bientôt!!!