25 Mai 2020
Véritable bijou de l'arrière-pays basque, il s'agit d'un charmant village pittoresque aux ruelles médiévales se situant au pied des montagnes pyrénéennes.
J'ai nommé Saint-Jean-Pied-de-Port!
Classé aux Plus Beaux Villages de France depuis 2016, il est une étape (voire un point de départ) incontournable du chemin de Saint Jacques de Compostelle et marque le début du fameux Camino Francés. De ce fait, nous y avons croisé de nombreux pèlerins, reconnaissables à tout leur équipement de rando comme les bâtons, les grosses chaussures et les chapeaux, mais surtout à leurs volumineux sacs à dos arborant une grande coquille Saint-Jacques, signe de leur pèlerinage...
Je les regardais en éprouvant un mélange d'envie et d'admiration. Ce sont des personnes qui vivent quelque chose de spirituellement très fort, qu'elles soient croyantes ou non. Et je pense que ces milliers de pèlerins imprègnent les murs et les ruelles du village d'émotions très puissantes et positives. Comme me le faisait d'ailleurs remarquer Chéri lors d'une de nos promenades du soir dans ce si joli village, il y a une ambiance particulière, une sorte d'énergie qui se dégage de cet endroit...
Avec les photos ci-dessous, je vous emmène à la découverte de la si jolie rue montante de la Citadelle, avec ses boutiques d'équipement pour le pèlerin, mais aussi ses gîtes d'étape et ses maisons particulières si typiquement basques! J'ai pris ces clichés un matin vers 9-10h, avant que les hordes quotidiennes de touristes ne débarquent et ne rendent littéralement impossible la moindre prise de vue correcte...
Let's go!!!
Sur les photos ci-dessus, la charmante rue de la Citadelle, après être passés sur le pont enjambant la Nive, la rivière qui traverse le village, et sous la porte de Navarre. Longtemps surnommée "Porte du Marché" car c'est là que se tenait le marché médiéval dès 1258...
En juillet-août 2019, Chéri et moi avons loué un petit appartement dans une résidence Pierre et Vacances se trouvant à Uhart-Cize, commune limitrophe de Saint-Jean-Pied-de-Port. Inutile de vous dire que nous nous y sommes rendus tous les jours, pour manger au restaurant et/ou se promener le soir. Une balade dans ces anciennes venelles pavées vous replonge directement 500 ans en arrière. Il y a quelque chose de magique et mystérieux dans ces murs, et je ne saurai trop dire quoi...
Bien sûr, il y a une église dans le village, et qui se situe au pied de la rue de la Citadelle. Il s'agit de l'église de l'Assomption-de-la-Vierge, mais je lui préfère de loin son ancien nom de Notre-Dame du Bout du Pont. Plus poétique, n'est-ce pas? Ce dernier nom fait référence au pont Notre-Dame qui arrive au pied du clocher et que vous pouvez voir sur la première photo ci-dessous.
Il s'agit d'un édifice religieux très ancien, dont les origines remonteraient au 13ème siècle. Bâtie en style gothique sur des bases romanes, l'église présente une nef à deux bas-côtés, deux étages de tribunes, mais aussi un orgue datant du milieu du 19ème siècle et dont le facteur fut Vincent Cavaillé-Coll. Il est composé de deux claviers et d'un pédalier. Objet d'une restauration de 2002 à 2004, il fut, à cette occasion, surmonté de la statue de saint François-Xavier, patron de la Navarre.
Elle est réalisée en grès rose, comme un certain nombre d'autres réalisations de la ville. Ce type de pierre a été souvent utilisé dans les environs pour la construction d'églises, de ponts ou encore pour les remparts de cette ville fortifiée.
Alors, pourquoi ce village d'environ 1500 habitants s'appelle-t-il Saint-Jean-Pied-de-Port, lorsqu'on sait qu'il n'y a pas de port fluvial ou maritime dans les environs? En fait, il doit son nom à sa situation, au pied des cols de Cize, dont le fameux col de Roncevaux, “port” signifiant "col"...
Avec Chéri, nous sommes montés à l’assaut de la petite colline de Mendiguren (80 mètres), au sommet de laquelle se trouve une citadelle édifiée en 1625-1627, puis améliorée durant la décennie 1640. Voici d'ailleurs ce qu'en dit Wikipédia:
"Récemment restaurée, la citadelle fournit un bel exemple du système défensif des places fortes bastionnées, fossés, remparts flanqués de bastions, bouches à feu, ponts dormants, ponts-levis et herses, et dotées des aménagements spécifiques d’une place de montagne sur un emplacement exigu."
Elle n'est pas ouverte aux visites car elle abrite un collège. On y monte en tout cas par une large rampe d'accès pavée et de là-haut s'offre à nous un panorama exceptionnel sur la ville et le bassin de Cize. Elle a été classée aux Monuments Historiques en 1963.
Après cela, Chéri et moi avons longé le chemin de ronde des remparts de la ville, eux-mêmes également classés aux Monuments Historiques en 1986. Construits au 13ème siècle, ils sont faits de grès rose, comme pour l'église.
Sinon, durant notre séjour, nous avons également visité la fameuse Prison des Evêques se situant dans la rue de la Citadelle. Encore aujourd’hui un voile d’ombre enveloppe cet édifice au nom évocateur, aiguisant ainsi notre imagination. Cette appellation actuelle et récente associe deux réalités historiques distinctes (et qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre!), tout d'abord la présence d’évêques du diocèse de Bayonne dans le village lors du Grand Schisme d’Occident (au tournant de la fin du 14ème siècle-début 15ème siècle) et ensuite, la vocation pénitentiaire attestée dès la fin du 18ème siècle. A cette période, la bâtisse sert en effet de prison municipale. Cette prison a encore servi au 20ème siècle, puisqu'à partir de 1940, les Allemands y enfermaient tous les hommes qui tentaient de fuir pour rejoindre l'Espagne et l'Afrique du Nord.
Mais jamais aucun évêque n'a été emprisonné dans ce bâtiment!
Actuellement, on peut y trouver une excellente exposition sur le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle aux temps du Moyen-Age. On peut y lire toutes sortes d'informations intéressantes sur les motivations des pèlerins à partir sur le chemin à l'époque, par exemple. Car à l'époque, ils n'étaient pas chaussés des bonnes grosses chaussures de randonnée qu'on a maintenant! Ils n'avaient pas non plus des imperméables en tissu Gore-Tex pour les protéger de la pluie et du vent. Alors, qu'est-ce qui pouvait les motiver à partir pendant des mois sur les routes, avec, en plus, le risque de se faire voler et tuer par des brigands?
Eh bien, pour trois raisons principales:
D'abord pour remercier ou obtenir une grâce. Ceux-là partaient pour implorer la guérison d'un proche, respecter un voeu formulé sur un champ de bataille ou au chevet d'un malade. Ils partaient également pour implorer la fin d'une sécheresse ou d'un épidémie de peste.
Ensuite, ils partaient également pour la rémission de leurs péchés, bénins ou inavouables. Celui-ci a mangé du boeuf un jour de carême, tel autre fit oeuvre de chair un Vendredi Saint. Une femme se prostitue et d'autres ont commis un assassinat... Ceux-là partaient donc pour expier leurs fautes.
Et enfin, la dernière raison était tout simplement une sanction pénale. A la suite d'un crime, on proposait au condamné de faire de la prison, de partir très loin en mer dans les galères ou de faire le pèlerinage.
Au deuxième étage de la Prison des Evêques, il y avait l'exposition d'une artiste-peintre, une certaine Françoise CLAVEL. J'ai beaucoup aimé ses tableaux de la campagne basque et de ses "Etxe" (fermes traditionnelles)...
Et pourquoi la coquille Saint-Jacques est-elle devenue l'emblème du pèlerin, alors? Dans le principe et la tradition, les "débutants" ne portaient pas la coquille lors de leur premier chemin. Ils la ramassaient sur une plage de Galice puis l'accrochaient sur leurs habits pour signifier le but atteint. S'ils effectuaient à nouveau un voyage, les "vétérans" se faisaient un point d'honneur à l'arborer.
Et cette coquille, Dieu sait qu'on la retrouve partout à Saint-Jean-Pied-de-Port, ce qui montre l'importance de ce village dans l'Histoire de ce chemin millénaire...
Je me souviendrai toujours de cette charmante pèlerine que nous avons rencontrée lors de notre première soirée dans le Pays Basque. Nous avions décidé de nous faire un petit restaurant dans le centre de Saint-Jean-Pied-de-Port car nous n'avions pas encore eu le temps de faire des courses pour pouvoir manger sur la terrasse de notre appartement. Karine, car c'était là son prénom, était attablée toute seule à côté de nous. Les tables étant très rapprochées les unes des autres, il était très facile de converser avec ses voisins. Et c'est ce qu'elle a fait au bout de quelques minutes seulement. Elle nous a expliqué qu'elle venait d'arriver dans la ville, après environ 300 kilomètres de marche sur la Via Tolosana, la partie du chemin français qui longe plus ou moins la Méditerranée pour arriver à Saint-Jean-Pied-de-Port. La quarantaine, divorcée et plutôt jolie, elle avait décidé de tout plaquer pendant environ deux semaines pour aller cheminer sur cette route millénaire et faire le point sur sa vie, faire un travail d'introspection. Elle avait une fille adolescente qui ne voulait plus lui parler et c'était une situation qui lui pesait. J'étais très surprise de voir à quel point elle se livrait avec aisance et sans gêne aucune. Mais il est sans doute plus facile de se confier à de parfaits inconnus que l'on ne reverra plus jamais, qu'à des proches. Toujours est-il qu'elle avait des étoiles dans les yeux, Karine. Elle avait adoré faire ce périple et nous racontait toutes ses péripéties avec passion. Elle nous expliquait que c'est une aventure humaine absolument incroyable et qu'elle avait rencontré tellement de personnes extraordinaires, venant des quatre coins du monde. D'après elle, cette aventure lui avait permis de changer, d'être plus ouverte aux autres, et de faire preuve de plus compassion. En bref, d'être moins égoïste... Elle se sentait pleine d'énergie et prête à retourner affronter son quotidien. Je pense à elle, parfois. Je me demande ce qu'elle est devenue...
Est-ce donc ça, le pouvoir du Chemin? Nous permet-il de nous délester de nos fardeaux internes et de pouvoir prendre du recul par rapport à des situations personnelles compliquées? Nous permet-il de dépasser nos limites et d'enfin prendre conscience de qui nous sommes vraiment et de cerner ce qui est important dans notre vie, de ce qui ne l'est pas?
En tout cas, voilà donc pour ce premier volet sur ce si charmant bourg du Pays Basque, j'espère que ça vous aura plu! Après avoir abordé les aspects architecturaux et spirituels de ce village dans cet article, j'aborderai dans le prochain (et dernier) les aspects gastronomiques et culturels avec toutes ces délicieuses spécialités de la région que nous avons mangées dans ses restaurants, mais aussi cette partie de pelote à laquelle nous avons eu la chance d'assister et encore de bien d'autres choses...
A très bientôt!