8 Novembre 2020
Cela va bientôt faire six ans que je vis dans la petite ville de Saint-Just Saint-Rambert dans la Loire, avec mon Chéri.
Il est sûr que ça m'a beaucoup changé de Villeurbanne, dans la banlieue lyonnaise, où j'habitais auparavant. Mais même si j'ai toujours vécu dans une grande ville jusqu'à mon déménagement dans le département ligérien, je me suis très bien adaptée à une vie plus proche de la campagne...
Car oui, je peux dire que de venir vivre ici à Saint-Just Saint-Rambert a changé ma conception de la vie et a élargi ma vision des choses quant à mon rapport à la Nature et à l'écologie en général.
En effet, avant, je vivais entourée de béton et dans la pollution. Je prenais des métros bondés, je subissais le bruit permanent et je devais slalomer entre les crottes de chien quand je marchais dans la rue. Mais je ne me plaignais pas puisque je ne connaissais que ça...
Puis, je suis venue ici il y a presque six ans et cela a été une véritable claque (dans le bon sens, bien sûr!) car ma qualité de vie s'en est trouvée tellement améliorée! Saint-Just Saint-Rambert est une commune paisible, propre et dotée d'un patrimoine historique et culturel intéressant, à son échelle. Mais c'est surtout parce qu'elle est traversée par la Loire (le fleuve le plus long de France) et qu'elle a de magnifiques sentiers bordant le cours d'eau que j'aime y vivre. Je passe beaucoup de temps sur ces sentiers à marcher ou à courir.
Et c'est précisément en vivant dans ce cadre plus proche de la Nature que j'ai commencé à prendre conscience de sa beauté et de la nécessité pour nous tous de la protéger.
Aujourd'hui, je vous emmène donc en promenade avec moi sur l'un de ces chemins, depuis le centre de Saint-Just Saint-Rambert jusqu'au barrage de Grangent, qui se situe à environ cinq kilomètres en amont de la ville pontrambertoise. Let's go!
Nous commençons donc cette promenade au niveau du pont Docteur Jean Alligier qui a été inauguré en 1930 (rien que ça!) et qui représente la fusion entre les deux communes de Saint-Rambert-sur-Loire et de Saint-Just-sur-Loire pour n'en former plus qu'une seule, celle qui existe aujourd'hui et dans laquelle nous vivons, à savoir Saint-Just Saint-Rambert. Cette fusion a eu lieu le 1er janvier 1973.
Installée sur les rives de la Loire, la commune était le point de départ des "Rambertes", bateaux qui acheminaient le charbon des mines de Saint-Etienne ainsi que d'autres marchandises par voie fluviale jusqu'à Nantes et parfois jusqu'à Paris. Ces "Rambertes" étaient des embarcations à fond plat construites à Saint-Rambert-sur-Loire, d'où leur appellation, et qui n'effectuaient qu'un seul voyage, la navigation n'étant possible que dans le sens de la descente. A l'arrivée, donc, elles étaient démontées pour récupérer le bois, souvent pour le chauffage, mais aussi pour d'autres usages: quelques maisons nantaises doivent ainsi leur charpente aux "Rambertes"...
Puis nous nous éloignons du pont et du centre de Saint-Just sur un joli chemin aménagé qui rejoint assez rapidement la fameuse verrerie de la ville (première photo ci-dessous) et qui a été créée en 1826 sur ordonnance royale pour la fabrication de bouteilles. L'usine est rachetée en 1865 par un nouveau propriétaire qui décide d'abandonner la bouteillerie et commence à produire du verre de vitrail. D'ailleurs, des artistes célèbres sont venus acheter du verre à Saint-Just pour la création de leurs vitraux: Chagall, Matisse, Léger... Et, cerise sur le gâteau, le prestigieux palais de Versailles a fait appel à la verrerie pour la restauration de sa célèbre Galerie des Glaces (rien que ça!). Des visites guidées sont organisées dans l'usine, mais je n'ai pas encore eu la chance d'en faire une. One day...
En tout cas, j'aime beaucoup le chemin qui longe la verrerie car on y trouve, par terre, des éclats de verre bleus ou rouges qui scintillent par beau temps. Un peu plus loin, un pont en bois qui mène à un magnifique chêne majestueux bordant le chemin, à la ramure impressionnante... Je n'ai pas pu m'empêcher de poser ma main sur son tronc à l'écorce rugueuse, pour ressentir sa force vitale.
Porteur du gui, plante sacrée des druides, le chêne était lui-même l'objet d'une grande vénération, et c'est sous son ombre protectrice et rassurante que se déroulaient les cultes aux temps pré-chrétiens...
Saviez-vous que la toute première ligne de chemin de fer en France a vu le jour dans la Loire? Inaugurée en 1827, elle reliait Saint-Etienne à Andrézieux (commune limitrophe de Saint-Just Saint-Rambert).
Quelques décennies plus tard, pour raccorder le bassin houiller de Firminy et de Roche-la-Molière à cette première ligne, une autre voit le jour en 1885, après huit ans de travaux. En tout, 17 kilomètres de rails, 11 tunnels, 7 viaducs et 21 ponts... La ligne, abandonnée pendant la Seconde Guerre Mondiale, est finalement noyée sur plusieurs kilomètres lors de la mise en eau du barrage de Grangent en 1957.
Et bien, c'est sur une partie de cette ancienne voie de chemin de fer que je vous emmène aujourd'hui! Le sentier, bien entretenu, mais sur lequel la végétation a tout de même repris ses droits, s'enfonce parfois entre deux grandes parois creusées dans la roche il y a plus de cent ans pour laisser passer les trains. Extrêmement hautes et recouvertes de mousse et de végétaux, elles donnent une drôle d'impression au randonneur car les arbres penchés au-dessus du chemin forment comme une sorte de voûte au-dessus de sa tête, lui donnant l'impression d'être dans un autre monde, à la fois végétal et minéral. C'est vaguement inquiétant et très beau en même temps...
Après cela, on arrive à un endroit que j'aime énormément lors de cette balade, avec une vue époustouflante sur les Gorges de la Loire. Car avant de pénétrer dans la plaine du Forez, le fleuve a entaillé profondément le socle granitique du Massif Central pour former cet espace protégé de 4000 hectares que représentent cet endroit si particulier.
Des microclimats locaux liés à un relief varié et à différentes expositions ont généré une mosaïque de milieux favorables à des rapaces comme le Hibou Grand-Duc: le plus gros rapace nocturne d'Europe qui peut atteindre 1,8 mètres d'envergure!
Mais ce que j'ai remarqué sur le chemin, ce sont ces baies d'un beau rouge vif sur le bord du chemin. Il s'agit en fait de "Cenelles", qui sont les fruits de l'Aubépine, qui est un arbrisseau constitué de rameaux à l'écorce claire et très commun dans les haies et les lisières des bois. Les cenelles sont comestibles, mais farineuses, insipides et pourvues d'un ou de plusieurs noyaux. Le mieux est de les cuire et de les réduire en purée, base de bons desserts. Mélangées à de la farine, on en prépare des bouillies, des galettes ou du pain.
Riches en amidon, les cenelles sont très nutritives. Elles contiennent aussi des sucres, de la pectine et de la vitamine C.
Ensuite, on arrive à une partie du chemin où l'on ne voit plus du tout la Loire (masquée par des taillis, des arbres ou de grands rochers imposants), en contrebas, mais qui reste très jolie tout de même.
Sur la première photo ci-dessous, de très jolies baies à capsules rose pâle qui s'ouvrent à l'automne pour laisser paraître une graine charnue orangée, j'ai nommé le "Fusain d'Europe"! Leurs couleurs vives attirent d'ailleurs les oiseaux qui s'en régalent...
Malheureusement, ces baies sont hautement toxiques pour l'Homme!
L'ingestion des fruits du fusain provoque forte irritation digestive avec spasmes, vomissements, diarrhées sanglantes, vertiges, fièvre voire troubles circulatoires... Et enfin, il provoque la mort chez l'adulte au bout de 30 fruits mangés. A noter que les fruits ne sont pas les seuls à être toxiques, toute la plante, les feuilles et tiges, sont aussi dangereuses. En bref, une grande prudence s'impose!
Un peu plus loin, des baies en forme de billes noires bleuâtre dans des buissons au bord du chemin. Pensant que c'étaient des myrtilles (ignorante que je suis!), j'en ai pris une que j'ai goûtée! Bien évidemment, il ne s'agissait pas de myrtilles (je l'ai découvert plus tard, en faisant des recherches), mais de "Prunelles" qui sont comestibles! Ouf, sauvée! Inutile de préciser qu'il ne faut absolument pas suivre mon exemple: si vous n'êtes pas sûrs à 100% (300%, même!) de l'identité d'un végétal lors d'une balade en Nature, ne vous amusez pas à le manger!
Bref, le goût n'est pas terrible: c'est âpre et très acide. Il paraît que lorsqu'arrivent les premières gelées, les prunelles s'adoucissent. On peut alors en faire des confitures, des compotes, des tartes et des sirops fruités.
Particulièrement efficaces pour arrêter les diarrhées violentes, on les utilise alors en décoction.
Décoction de prunelles: 50 grammes de fruits frais ou séchés par litre d'eau. Laisser bouillir 5 minutes, puis infuser 10 minutes. Boire dans la journée jusqu'à l'arrêt de la diarrhée.
Sur les photos ci-dessus, vous pouvez constater que le chemin passe dans un tunnel. J'avoue que j'ai la chair de poule à chaque fois que je dois le traverser car il est extrêmement sombre en son milieu. De plus, il y a une sorte de renfoncement complètement sombre sur la gauche qui me met très mal à l'aise à chaque fois que je passe devant. En fait, cette galerie me fait toujours penser à ce film d'horreur que ma petite soeur m'avait fait découvrir il y a quelques années et qui s'intitule "As above, so Below" et qui parle d'un groupe de jeunes qui se rendent dans les catacombes de Paris pour essayer d'y trouver la célèbre pierre philosophale. Et pour y accéder, ils passent par une porte dans un vieux tunnel désaffecté qui ressemble à celui-ci... Brrr!
Et enfin, après avoir (vite!) traversé ce tunnel, on parvient enfin en vue du barrage de Grangent. Il a été construit entre 1955 et 1957 et il est implanté là où les Gorges de la Loire sont les plus étroites et profondes.
Il s'agit d'un barrage de moyenne chute (50 mètres) dont le chantier a nécessité près de 70 000 m3 de béton. Sa fonction essentielle est la production d'énergie et non la régulation du fleuve, contrairement au barrage de Villerest, plus en aval. On y trouve donc, à son pied, une centrale hydroélectrique.
La dénivellation créée permet d'obtenir une puissance de 32 400 kilowatts pour une production annuelle moyenne de 122 millions de KWh, soit la moitié de la consommation domestique de la ville de Saint-Etienne.
Généralement, je mets environ une heure pour arriver au barrage depuis chez moi. Je m'assois un moment par terre à cet endroit et je passe une vingtaine de minutes à contempler cet imposant ouvrage, ainsi que le château médiéval d'Essalois qui le surplombe. Puis, je fais le même chemin en sens inverse, pour rentrer...
Et voilà pour cette promenade que je trouve très atypique dans le sens où elle dégage une atmosphère très particulière et même inquiétante à certains endroits, avec ces arbres décharnés formant une voûte au-dessus d'un chemin enserré entre deux parois rocheuses ou encore ce vieux relais désaffecté et envahi de végétaux qui se trouve à gauche du chemin lorsqu'on part vers le barrage... En plus, j'y rencontre quasiment personne lorsque j'y vais. Pas âme qui vive!
Mais j'ai appris à aimer ce chemin qui offre un panorama exceptionnel sur les Gorges de la Loire, ainsi que sur le barrage. Comme il y a peu de monde, je peux rentrer en moi-même et méditer tranquillement sur des problèmes que je peux rencontrer à ce moment précis. Parfait pour la méditation!
En bref, c'est une balade qui sort de l'ordinaire, certes, mais que je recommande vivement!
A très bientôt!