31 Mai 2022
"Le hasard a voulu que ce fût surtout une demeure de femmes..."
Voilà comment Marguerite Yourcenar, célèbre romancière française du 20ème siècle, décrivait cet édifice remarquable que je vous propose de découvrir aujourd'hui, à travers cet article. Car oui, ce splendide château a été pensé et édifié grâce au génie architectural d'une femme, Katherine Briçonnet, au 16ème siècle, mais il a été occupé et embelli au fil des siècles par d'autres femmes puissantes qui sont tombées sous le charme de cet édifice et de ses environs.
Reines, favorites, grandes bourgeoises, etc... elles ont toutes aimé ce château d'une passion dévorante, quitte à dépenser des sommes folles pour l'entretenir et le magnifier. Elles ont été les amantes de Chenonceau et ont toutes apporté leur touche personnelle à cette propriété exceptionnelle.
Vous ne me trouvez pas objective, n'est-ce-pas? Et bien, vous avez bien raison, chers lecteurs! J'ai été littéralement subjuguée par cet édifice. D'ailleurs, parmi les cinq châteaux que nous avons visités lors de notre escapade en Centre Val-de-Loire au mois de janvier dernier, celui-ci à été sans conteste mon préféré!
L'édifice est classé aux Monuments Historiques dès 1840 et au Patrimoine Mondial de l'UNESCO en 2017.
Car oui, si vous me suivez sur ce blog, vous savez que Chéri et moi sommes allés visiter certains des innombrables châteaux de la Loire en janvier dernier. J'ai d'ailleurs écrit un article sur le splendide château de Cheverny que vous pouvez retrouver ici.
Et effectivement, la météo n'était pas vraiment au beau fixe, comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessus. Nous avons eu un peu de soleil lorsque nous avons visité Chambord, le premier jour, et une très belle météo pour la visite du Zoo de Beauval, mais le reste du temps, nous avons eu droit à ce ciel gris et morose...
Toutefois, l'avantage de voyager à cette période, c'est qu'il n'y a quasiment personne!
Les monuments ne sont pas bondés et on peut explorer ces lieux splendides sans être dérangés par la foule qu'il y a immanquablement lors des beaux jours. De plus, certains de ces châteaux sont encore parés de leurs décorations de Noël pendant le mois de janvier, ce qui prolonge un peu la féérie des fêtes de fin d'année. Et Chenonceau ne dérogeait pas à la règle lorsque nous y sommes allés: on a pu y admirer de magnifiques ornements de Noël dans les différentes pièces de l'édifice. Let's go!!!
Bon, je ne vais pas vous assommer avec tous les détails historiques et architecturaux de ce château (et pourtant, il y aurait largement de quoi dire!), vous pouvez consulter des sites internet ou des livres spécialisés pour vous faire une idée.
L'histoire de cet édifice est très longue et n'est pas des plus faciles à résumer, mais je vais tout de même essayer de m'y employer.
Avant le château que l'on connaît aujourd'hui, un autre avait été construit à cet emplacement au 15ème siècle par une riche famille, la famille Marques.
Il s'agissait d'un château féodal (rien à voir, donc, avec le Chenonceau actuel, donc, qui est une résidence d'agrément) avec des douves, un pont-levis, d'épaisses murailles fortifiées. De cet édifice ne subsiste rien, si ce n'est la tour du sud-ouest, la "grosse tour", aujourd'hui nommée la Tour des Marques...
Puis, le domaine est acquis par un certain Thomas Bohier (bourgeois de Tours fraîchement anobli) et sa femme Katherine Briçonnet (issus d'une riche famille provinciale).
Et c'est précisément ce couple qui entamer de lourds travaux et amorcer la transformation du château d'origine, et sa mue vers ce qu'on peut observer aujourd'hui.
Les travaux durent de 1513 à 1521, et sont surtout dirigés par Katherine Briçonnet, pendant les longues absences de son mari. Puis le couple meurt et à leur mort, il est prouvé que Thomas Bohier a procédé à des détournements de fonds et autres fraudes fiscales de son vivant (il devait être une vie antérieure de Patrick Balkany, ma parole! 🤣). Evidemment, le roi (à l'époque, c'était François 1er) n'apprécie pas qu'on lui vole son argent (comme s'il n'en avait déjà pas assez, hum!) et impose d'énormes remboursements aux héritiers des Bohier qui ne peuvent évidemment pas payer.
De ce fait, François 1er prend possession du domaine et Chenonceau devient résidence royale en 1535.
La chapelle du château de Chenonceau, se trouvant à l'entrée de l'édifice, décorée pour Noël et abritant une si jolie crèche...
S'en suivront de nombreux propriétaires, majoritairement des femmes. D'ailleurs, les deux plus célèbres resteront la belle Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II, et Catherine de Médicis, épouse dudit roi.
De leur vivant, ces deux femmes se sont livrées à une lutte sans merci pour avoir l'affection du roi, ainsi que la propriété de Chenonceau.
En effet, le roi fait don du domaine à sa maîtresse en 1547, moins de trois mois après la mort de son père François 1er, ce que Catherine perçoit comme un affront. Car le château appartient non pas à un homme, mais à la Couronne de France. Le roi ne peut donc pas faire don de ce qui ne lui appartient pas en propre. Diane le sait, et après de nombreuses tricheries judiciaires, va réussir à acquérir le domaine légalement. Rusée, cette Diane...
Propriétaire légale du château, Diane de Poitiers fait construire un pont reliant le château à la rive opposée, en enjambant le Cher, mais aussi un magnifique jardin à la française que je vous emmènerai découvrir un peu plus loin dans cet article...
Toutefois, à la mort accidentelle du roi en 1559, Catherine tient enfin sa revanche et fait expulser Diane de Poitiers de Chenonceau. Magnanime, la reine accorde toutefois le château de Chaumont-sur-Loire (que nous avons visité pendant notre séjour et dont je parlerai dans un prochain article) à sa rivale déchue.
A nouveau en possession du domaine de Chenonceau, Catherine de Médicis fait construire deux galeries superposées sur le pont de Diane pour accueillir de magnifiques réceptions, et donnant enfin à l'édifice son aspect actuel...
La souveraine s'éteint en 1589 et d'autres femmes lui succèderont: Louise de Lorraine, Marie de Luxembourg, Françoise de Lorraine, Madame Dupin, Apolline de Guibert, etc... Les histoires de toutes ces femmes seraient bien trop longues à raconter. Toujours est-il qu'à ce jour, le domaine appartient à une certaine famille Menier depuis 1913, issue de riches industriels et politiciens français. Ce qui m'a beaucoup surprise, d'ailleurs, car je pensais que Chenonceau était propriété de l'Etat Français, ce qui n'est pas le cas. Il s'agit bel et bien d'une propriété privée...
La chambre de Diane de Poitiers, avec son lit à baldaquin bleu datant du 17ème siècle et ses fauteuils en cuir de Cordoue. J'étais assez surprise de voir un portrait de la reine Catherine de Médicis sur la cheminée de la chambre de celle qui fut sa rivale... A côté du lit, une décoration de Noël un peu bizarre, constituée de petites boules de neige de coton et ornée de fleurs de lys, rappelant l'étrange coiffure à la mode de la Cour au 18ème siècle, popularisée par la reine Marie-Antoinette...
La galerie du rez-de-chaussée. Longue de 60 mètres, large de 6 mètres et comportant 18 fenêtres, elle possède un sol carrelé de tuffeau et d'ardoise et servait de salle de bal. Elle fut inaugurée en 1577 par Catherine de Médicis. J'ai beaucoup aimé les décorations de Noël: des sapins blancs surmontés de lustres au centre de la galerie, sur toute sa longueur. C'était magnifique, on se serait crus dans un conte de fées!
La chambre François 1er, qui possède la plus belle cheminée du château. Aux murs, diverses peintures dont une représentant Diane de Poitiers en Diane chasseresse (Diane était la déesse de la chasse et de la Lune dans le panthéon romain), mais aussi une magnifique peinture représentant les Trois Grâces...
Le salon Louis XIV tapissé de rouge évoque le séjour qu'effectua ce roi à Chenonceau le 14 juillet 1650.
La chambre César de Vendôme avec sa cheminée style renaissance et peinte au 19ème siècle aux armes de Thomas Bohier ainsi qu'avec son magnifique lit à baldaquin datant du 16ème siècle. L'étrange (mais magnifique) composition florale posée sur la table centrale est une dédicace au Roi des Forêts qu'est le sapin. Totalement revisité et couronné de fleurs fraîches...
La Chambre des cinq Reines. Cette chambre rend hommage aux deux filles et aux trois belles-filles de Catherine de Médicis: la reine Margot, Elisabeth de France, Marie Stuart, Elisabeth d'Autriche et Louise de Lorraine... Le plafond à caissons du 16ème siècle arbore en effet les armoiries des cinq reines. Aux murs, on peut observer une suite de tapisseries des Flandres du 16ème siècle... J'ai particilièrement aimé les décorations de Noël végétales sur la table centrale de la pièce...
La chambre de Gabrielle d'Estrées, du nom de la célèbre Favorite (maîtresse) d'Henri IV. Je ne suis pas sûre pourquoi cette pièce s'appelle ainsi: est-ce que la jeune femme aurait séjourné à Chenonceau? Toujours est-il que le plafond sculpté, le sol, la cheminée et le mobilier sont de l'époque Renaissance. On voit près du lit à baldaquin une tapisserie des Flandres du 16ème siècle.
La galerie du premier étage, appelée "Galerie Haute", est beaucoup plus sobre que le reste du château. De fait, elle était divisée en petits appartements par des cloisons et servait aux domestiques, d'où la décoration minimaliste. Depuis 1980, les propriétaires du château s'en servent comme d'une galerie d'exposition pour des artistes contemporains.
J'ai fait le choix assumé de ne pas montrer toutes les pièces que nous avons vues, et ce pour diverses raisons. La première étant que cet article serait beaucoup trop long! Déjà qu'il l'est déjà, alors je ne souhaite pas le rallonger encore 😁.
Deuxièmement, il y a des salles qui m'ont touchées moins que d'autres, comme la chambre de Louise de Lorraine située au dernier étage et que j'ai trouvée très lugubre et triste car plongée dans le noir pour rappeler le deuil de son mari tant aimé, le roi Henri III...
Et enfin, j'estime qu'il faut bien garder une petite part de mystère et de surprise au cas où vous décidiez, chers lecteurs, de visiter ce magnifique édifice, ce que je vous recommande vivement!
Ci-dessous, quelques photos de décos de Noël que je n'ai pas pu caser dans le reste de l'article, enjoy!
Allez, je vous emmène maintenant à la découverte des extérieurs maintenant.
Il faut d'ailleurs savoir que les jardins du château ont été classés aux Monuments Historiques en 1962.
Je parlais plus haut dans cet article du jardin que Diane de Poitiers a fait aménager, surnommé le Jardin de Diane. Il se trouve qu'il jouxte le château, comme vous pouvez le voir sur cette vue aérienne du domaine ci-dessous...
Ce jardin, comme vous pouvez le voir sur la photo, est un rectangle parfait ceint d'une terrasse surélevée qui en fait complètement le tour. Ces parapets surélevés ont pour fonction principale de protéger le parterre en cas de crue du Cher... Au centre du jardin, une fontaine qui ne fonctionnait pas lorsque nous y étions.
Evidemment, comme je le mentionnais plus haut, visiter de tels monuments en janvier présente certains avantages, mais malheureusement, les jardins ne sont pas fleuris comme au printemps. C'est dommage, mais c'est le jeu, ma pauvre Lucette! Heureusement, les buissons de buis bien taillés rattrapent un peu le côté tristounet de cette journée d'hiver...
Puis, nous avons fait un petit tour rapide dans le Jardin Catherine de Médicis (que vous pouvez entre-apercevoir sur la photo ci-dessus, derrière la Tour des Marques). Il est plus petit et plus intime et agrémenté d'un bassin central. Il fait face au côté Ouest du château.
Voilà donc pour cette escapade dans l'un des châteaux les plus connus du Centre Val-de-Loire, et celui que j'ai préféré de ceux que nous avons visités sur ces quatre jours de vacances. Je regrette simplement qu'il n'y ait pas eu un peu plus de soleil, mais comme je le disais déjà plus haut, c'est le risque à prendre lorsqu'on part début janvier. Néanmoins, on ne peut pas trop se plaindre car on n'a pas pas eu une seule goutte de pluie pendant notre séjour, malgré cette météo très hivernale...
Je pense qu'on y retournera un jour au printemps ou en été, pour voir les jardins fleuris. Mais pas tout de suite, dans quelques années peut-être...
Et vous, chers lecteurs, avez-vous déjà été à Chenonceau?
Qu'en avez-vous pensé?
A très bientôt!